Slam et Spoken Word


Le Théâtre des Travaux et des Jours anime un atelier d’écriture de slams et de spoken word avec les militants du Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté.
Anatole Kontsybovskiy, comédien/auteur au TTJ, rédige ces textes sur base et avec la complicité des apports des militant.e.s. Ces textes sont déclamés et proposés au public par Anatole Kontsybovskiy ou d’autres comédien.ne.s lors de manifestations que ceux-ci organisent.


Ces textes étant libres d’usage, il est possible de vous les procurer soit en téléchargeant les carnets en format pdf, soit en faisant la demande d’une version papier. Dans tous les cas, merci de nous informer de leur utilisation via notre adresse theatredestravauxetdesjours@theatretj.be


LA MERE ET SA FILLE


LA CURE D’INFORMATIONS

Le coronavirus chamboule tes habitudes
Les priorités ne sont pas là où tu les penses
Il fut un temps tu avais encore des certitudes
Il fut un temps tu avais besoin de récompenses

Trop d’informations tue l’information
Il faut régulièrement faire une désintoxication
Il fut un temps c’était une véritable désolation
Que de manquer un JT par omission

Tu regardes la télévision à pas d’heures
Tu n’as pas envie de manquer un scoop
Même si tout ce que ça te provoque c’est de la peur
Tu te sens mal quand tu le loupes

Tu as peur de ce qui se passe
Après tout tu es une personne à risque
Tu aimerais tant avoir un tour de passe-passe
Mais tu ignores comment changer de disque

Tout dure jusqu’aux petites heures
Et un jour tu n’arrives plus à te lever
Tu perds d’un coup toute ta bonne humeur
Tu as vraiment du mal à t’activer

Tu n’en peux plus de continuer de cette façon
Que faut-il faire pour ne plus angoisser
Ce confinement est une dure leçon
Et il arrive le moment où tu en as assez

Après beaucoup de réflexion sur ta condition
Tu débranches la télé et tu la mets dans la cave
Le premier réflexe est de se louer de félicitations
Tu fais tout pour que la situation ne s’aggrave

Il faut du courage pour te débarrasser de cet appareil
Tu es habitué à te mettre devant chaque soir
Tu espères en secret que tout le monde fasse pareil
Pour que la vie des gens ne soit pas si noire

Tu te rends compte que tu as du temps libre
Tu te demandes comment vas-tu pouvoir t’occuper
De jardiner tu te prétends d’avoir la fibre
Mais tu ne fais rien et ça commence à te préoccuper

Tes soirées sont devenues trop longues
Et en premier lieu tu lis le journal
Chaque heure sonnait comme si tu frappais le gong
Lire la presse n’est pas un acte banal

Tu t’es rendu compte que c’était la même chose
Que la télévision et pour finir tu t’es mis à la poterie
De toutes ses informationstu en avais ta dose
Et très vite tu as commencé à avoir moins d’agacerie

Avec le temps et le minimum d’informations par jour
Tu commences très vite à être content de toi
En plus dehors tu fais des petits tours
Tout en faisant attention et en respectant la loi

Tu remarques la différence entre ton voisinage et toi
Ils ne décollent pas le nez de leurs écrans
Sur leur sort secrètement tu t’apitoies
Avec le temps ce comportement te devient aberrant

Ils disent que tu n’es pas normal
Et que par ce temps mieux vaut être surinformé
Tu te comportes en véritable mâle
C’est leur problème, tu ne peux pas les transformer

Vient le moment où tu as envie de ressortir ton post
Ta confiance s’essouffle, tu te dis qu’ils ont raison
Mais au lieu de ça tu te mets au composte
Pour jardiner est venue enfin la saison

Tu résistes à l’envie de rallumer la télé
Même si tu te sens coupé du monde entier
En poterie tu commences à exceller
Et chaque jour tu empruntes de nouveaux sentiers

Le silence te pèse sur les oreilles
Tu commences à écouter la radio 3 fois par jour
Rien n’est plus jamais pareil
Et du coup tes voisins commencent à te dire bonjour

Le coronavirus chamboule tes habitudes
Les priorités ne sont pas là où tu les penses
Il ne faut pas faire de longues études
Si quelque chose te manque tu le compense


200 MILLIARDS

C’est la séance plénière et nous débattons
De l’avenir de notre pays
Nous voulons toujours savoir où va-t-on
Et surtout que le peuple nous obéit

Il y a moyen d’inventer de beaux projets
Quand tout le monde est en crise
Il y a alors une immense solidarité sans rejet
C’est le nouveau monde et ce qui le caractérise

Nous sommes malgré nous des politiques
Nous jouons tous nos petits jeux
Mais dès que la situation devient critique
Nous saisissons très vite les enjeux

Nous voulons tous le plus de postes possible
Avec le plus convoité, celui du premier ministre
Sans cesse nous prenons nos collègues pour cible
Que ferons-nous sans ceux qui nous administrent

Le coronavirus nous frappe très durement
L’heure est à l’assemblée nationale
Et c’est sans bagarre, très calmement
Que c’est entre nous l’entente doctrinale

Combien de temps pour enrayer le phénomène ?
Que va devenir l’après-crise ?
Pour l’instant les gens encore se promènent
Pour rafraichir leur matière grise

En attendant plein de nœuds se dénouent
Nous voulons nous préoccuper de tout le monde
Même malgré toute la bonne volonté en nous
Personne n’est à l’abri, même pas James Bond

Avoir un ennemi commun
Nous aide à nous serrer les coudes
Et c’est pour protéger tout un chacun
Que la solidarité nous soude

Nous voulons débloquer 200 milliards
Et tout le monde aura sa part du gâteau
Il faut se dire que pour sortir du brouillard
Il faut ce genre de capitaux

L’économie sera soutenue
La bourse repartira à la hausse
Mais faut-il alors mettre à nu
Les comptes de tous les boss ?

Le précaire ne restera plus sans politique
Nous voulons un véritable bouclier social
Toutes ces décisions deviennent logiques
Dans la vie tout n’est pas que commercial

Nous avons beaucoup travaillé
Et nous étions heureux de boucler ce projet
Nous étions tous émerveillés
Et ce dès le tout premier jet

Mais voilà que la ministre des finances s’oppose
Et ce combat se transforme au bras de fer
Il n’y a plus le temps de faire aucune pause
Sinon nous ferions de l’ombre à cette affaire

Il y a ceux qui veulent l’austérité
Et d’autres qui veulent ouvrir le robinet
Ils ont tous leurs arguments d’autorité
Les experts viennent de tous les cabinets

Nous attendons que d’autres pays s’engagent
Avant d’annoncer notre résolution
Et c’est avec très peu de jeux de langage
Que nous convainquons la population

Maintenant que le budget est débloqué
Il ne faut pas perdre les acquis engendrés
Maintenant il y a des nouvelles lois à appliquer
Où beaucoup de choses sont encadrées

Maintenant les mesures socio-économiques
Ont un effet durable sur les petits gens
Nous sommes pour eux moins comiques
Et nous sommes considérés comme intelligents

Le coronavirus s’enraye mais le progrès reste
Les gens peuvent respirer tranquillement
Pour certains nous avons retourné nos vestes
Là où pour d’autres nous avons agi habilement

Il faut qu’une crise arrive avant que les gens bougent
Et en profitent pour changer les règles de la société
Tout ça pour éviter un carton rouge
Ou pour que tout le monde ne soit pas dans l’anxiété

C’est la séance plénière et nous débattons
De l’avenir de notre pays
Nous voulons toujours savoir où va-t-on
Et surtout que le peuple nous obéit



LE COMBAT

Un poisson scie tout petit d’un côté de l’autre un gros éléphant
Les secondes sont décomptées le conflit est étouffant
Ils vont se battre dans la forêt mais au nom de quoi ?
Qui en premier cognerait le questionnement est adéquat

L’éléphant est immense et voilà qu’il attaque
Sans aucune réticence et avec ses airs démoniaques
Un tout petit poisson presque sans défense
C’est le boxon mais qui a en premier fait une offense ?

Le combat est déséquilibré c’est comme si une bombe atomique
A été envoyée suite à une petite attaque chimique
L’éléphant n’en ferait qu’une bouchée de ce poisson minuscule
Quelques secondes pour l’amocher : ce combat est ridicule

Écraser plus petit que soi c’est tellement facile
Le spectacle déçoit ils ont l’air imbéciles
D’un coup de patte d’éléphant le poisson perd sa scie
Ce n’est pas un jeu d’enfant le poisson paralysé de peur se plie

C’est un peu ce qui se passe dans notre belle société
Il faut se partager l’espace et provoquer de l’anxiété
Les gens écraseront toujours plus petits que soi
Peu importe la durée du séjour ou combien on reçoit

N’est-ce pas le gouvernement qui veut ce qui se passe ?
Très peu d’accompagnement et c’est dégueulasse
Tire ton plan si un accident de vie t’arrive
Les gens de toutes façons font semblant d’être à la dérive

Plus tu es dans la merde plus tu as envie
Que le plus petit perde et que le plus fort survive
C’est la loi de la nature, c’est comme ça depuis des millénaires
Changer cet aspect est dur sauf quand on est révolutionnaire

Le poisson scie n’ira pas plus loin, il déclarera forfait
Il se cachera sous les feuilles dans un coin très satisfait
De sa toute petite taille, l’éléphant aura beau le chercher
C’est ainsi qu’il évitera la bataille se contentant de sa scie arrachée

J’aimerai que le plus fort aide l’autre au lieu de l’écraser
J’aimerai du réconfort dans des conflits embrasés
Loin dans le monde entier ou tout près de chez nous
Que vous admettiez que d’autres relations se nouent



LES TRAVAILLEURS PAUVRES

Les feuilles brunes chutent des arbres
Couvrant le sol tout en marbre
Le soleil se couche, le ciel et rouge
Je suis sur le toit et je bouge

Ce n’est pas parce qu’on travaille
Qu’on a un large choix en éventail
Salaire et pauvreté se conjuguent
Les billets entre les doigts fuguent

Je suis motivé, passionné, attentionné
Pas question d’abandonner
Quand un obstacle se dresse
Je ne connais pas la détresse

Le travail est fait à l’heure
Sans retards et sans douleurs
Je suis même un peu maniaque
En couvrant les toits j’ai la niaque

Un jour c’est l’accident du trop habitué
Je glisse et je n’arrive pas à me rattraper
Me voilà maintenant handicapé
C’est dur comme le sort m’a frappé

Vais-je pouvoir encore travailler
Ce n’est pas que j’ai envie de m’apitoyer
Je ne peux plus bouger comme avant
Je boite fort et ça va en s’aggravant

L’envie de me sentir utile est là
Heureusement j’ai encore mon bla-bla
Je convaincs la poste de m’engager
Je travaille au bureau sans bouger

Avec mon salaire nous avons assez
Ma femme a un souci de santé
C’est devenu un gouffre à fric sans fin
Le quart du salaire pour payer les médecins

Je soigne tellement ma femme
Mes bobos ne sont pas au programme
Tout mon temps libre à ses côtés
Plus aucune autre activité

Nous avons même du mal à nous nourrir
Heureusement que nous savons rire
Des pâtes à partir du 15 du mois
Notre comportement est adéquat

Pas de théâtre, pas de cinéma, pas d’opéra
Ça fout un mauvais climat
Nous grattons les fonds de tiroirs
Ce n’est pas une vie mais un cauchemar

Pour finir même les pâtes sont devenues chères
Les bras du resto du cœur se sont ouverts
Finir les mois est de plus en plus difficile
Nos santés respectives sont devenues plus fragiles

Je ne suis pas fort dans les papiers
Et la vierge noire l’a vite remarqué
Je rends les dossiers en retard
Je ne fais pas bien mes devoirs

Ils coupent mes vivres un jour
Je crois que c’est une blague, un mauvais tour
Mais ils veulent mettre les points sur les i
Je ne vous dis pas comme je me suis senti trahi

Heureusement il y a un bon service social
La poste m’a aidé à résoudre ce mal
Le patron m’avance même un mois de salaire
Sa bonté est juste spectaculaire

Le malheur me frappe fort : ma femme est morte
D’un AVC dans le cerveau en quelque sorte
Elle avait pris une assurance décès
Bien avant l’événement on a crevé l’abcès

Pendant une grosse période je me suis mis à boire
Il ne fallait pas me demander des choses le soir
J’ai même dû fréquenter les alcooliques anonymes
Heureusement que ma dépendance est minime

Peu à peu je rembourse les dettes
Je fais moins attention à ce que j’achète
Mais rien ne fera revenir ma femme
Même si le confort s’ajoute au programme

Je commence à avoir plein de temps libre
Et entre pro et privé vient un équilibre
Je suis augmenté à la poste dans mes fonctions
Et mon patron m’adresse des félicitations

Les feuilles brunes chutent des arbres
Elles recouvrent la tombe tout en marbre
Le soleil se couche, le ciel est rouge
En privé je suis maintenant un homme farouche


LA MALBOUFFE

Un récipient rempli de pommes sur la table
Une seule envie c’est de tout manger
Mais certains vœux sont construits sur du sable
Voici mon histoire qui m’a longtemps dérangée

Ne pas pouvoir manger sainement est culpabilisant
5 fruits et légumes par jour qui peut se le permettre ?
Il faut agir tout de suite en favorisant
Des circuits-courts et l’agriculture de nos ancêtres

Très sportive je surveillais mon alimentation
Puis je me suis mariée à un homme en surpoids
Avec lui je ne savais pas dire non à la tentation
Très vite je ne savais plus changer de voie

Frites, burgers, mitraillettes étaient le quotidien
Plus c’était gras plus ça donnait envie
Durant des années je ne me refusais plus rien
Et je me sentais très bien, j’étais ravie

Arrive alors la grossesse et je prends 20 kilos
Je commence à avoir du mal à bouger
Je suis tombée enceinte de jumeaux
Durant toute la journée je ne fais que manger

Je m’en veux de ne pas me nourrir sainement
Mais ma situation n’est plus comme avant
J’ai trop envie de réduire le coût des aliments
Dès lors il faut économiser les sous au gré du vent

Nous commençons à vivre à 4 et c’est plus dur
De se payer une alimentation de qualité
Jour et nuit je ne pense qu’à la nourriture
Mon poids a du mal à être stabilisé

Une amie tient un fast-food
Nous nous y rendons presque tous les jours
Ce n’est pas cher, nous nous serrons les coudes
L’alimentation n’est pas le budget le plus lourd

Nous nous sacrifions mon mari et moi
Pour que les petits aient des vitamines
C’est à peine si nous arrivions à boucler le mois
Qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour leurs bonnes mines

Deux fois plus de travail la nuit, ils sont en bas âge
Difficile de penser à faire du sport la journée
Dormir 8 heures par jour est tout un apprentissage
Ils en profitent à peine l’attention détournée

Les contraintes professionnelles et d’autres maux
Font que frites-hamburger deviennent
Dans la semaine le seul repas chaud
Même quand les invités viennent

Un jour en montant sur la balance
Je constate que je suis à 100 kilos toute habillée
Prendre le taureau par les cornes, marre de carences
Prise de conscience, je décide de me rebeller

Un à un je commence les régimes à la mode
Mais au bout d’un temps je n’en peux plus
De vivre dans la frustration qui rode
A chaque fois que je crois éliminer du surplus

Je hais la diététicienne qui semble tout savoir
Alors qu’elle-même a des formes et des rondeurs
Elle change tout le temps son discours bizarre
A chaque rechute je dois avoir encore plus de sueurs

Je perds et je reprends, je joue au yo-yo sans cesse
Peu à peu je n’ai plus du tout d’espoir de minceur
Il faut souffrir avant que les kilos disparaissent
A un moment je crois même que c’est un leurre

J’ai des migraines à chaque privation
Je dois rester couchée dans une chambre sombre
Des cheveux et des ongles cassants, par supposition
C’est parce que je mange mal, c’est le côté de l’ombre

Avec le temps en plus je deviens insomniaque
Trouver le sommeil est une lourde épreuve
Tous ces changements c’est une vraie claque
Mais quand enfin ferais-je la peau neuve ?

Ce qui me sauve après recherches n’est pas un régime
Mais une nouvelle façon de m’alimenter
Je mange 5 fois par jour et je fais même de la gym
Je ne laisse jamais un creux me hanter

Au bout de 2 années à ce rythme très doux
Je perds 12 kilos sans même me rendre compte
Je ne ressens jamais une faim de loup
Et dès que l’occasion se présente je le raconte

Un récipient rempli de poires sur la table
Une seule envie, c’est de tout manger
Faire attention à ma ligne je suis capable
Avec une bonne volonté tout le monde peut changer



L’EMPLOI JEUNE

Des tableaux et des craies
Un sentiment sacré
Des murs chargés de savoirs
Un apprentissage obligatoire

Après tu en sors
Et peu importe ton bord
Galères pour trouver un emploi. Félicitations
T’as pas d’expérience ou trop de qualifications

Tu te lèves tous les jours à la même heure
Et tous les matins c’est le même labeur
Tu parcours les offres d’emplois
Tu gardes le moral, c’est ton droit

Tu ne fais que ça de toute ta journée
Tu ne comptes plus les règles contournées
C’est une routine, presque un geste mécanique
Jusqu’à présent il n’y a pas de panique

Mais au bout de 400 candidatures
Et que 7 entretiens la vie devient dure
Ce n’est pas que t’as des courbatures
Mais t’as l’impression d’être face à un mur

L’université prépare-t-elle à chercher un travail ?
Ceux qui en trouvent méritent-ils une médaille ?
Toutes ces questions envahissent ton esprit
Mais t’as tellement envie de gagner ta vie

Peu à peu tu élargis ton questionnement
Le travail c’est tout le fondement
De la société qui te paraît tellement injuste
Il n’y a pas que toi qui en déguste

Tes amis sont à peu près au même point
Ils sont même prêts à aller très loin
Mais il n’y a rien à faire
Les employeurs sont difficiles à satisfaire

Alors, dans un profond désarroi
Tu te donnes en proie
Tu contactes la presse
Pour dire non à la paresse

D’abord tu rencontres quelques profs
Ils reconnaissent que c’est la catastrophe
Mais ne serait-ce pas un peu trop demander
De devoir si rapidement tout aborder

Puis tu rencontres des employeurs
Leurs préoccupations sont ailleurs
Il faut réformer les universités
Mais le législateur depuis longtemps se tait

Suite à ton grand passage à la télé
Une boite ose te contacter
Au matin ils avaient un poste pour toi
Mais l’après-midi, coupe de budget, cache ta joie

D’autres personnes se sont insurgées
Comment osez-vous vous montrer
Et se croire seule sans emploi
Le droit au travail c’est dans la loi

Tu ne sais pas pourquoi
Mais la télévision s’est intéressée à ton cas
Sans doute que ce jour-là
Il n’y avait rien à montrer et puis voilà

Tu y étais presque arrivée
Et un goût de victoire t’a gagné
C’est trop dur de se faire refuser le poste
Sans avoir droit à une riposte

Quelques semaines sont passées
Tu ne te lèves plus tôt, tu n’es plus pressée
Lente, lourde et démotivée
Tu sombres dans une paresse inanimée

Le matin tu le passes à dormir
Pas une seule offre d’emploi en ligne de mire
L’après-midi tu regardes Netflix
De midi à quinze heures, c’est à heure fixe

Non sans pression de ta conseillère
Tu as décidé de te réorienter depuis hier
Et il te faut quand-même deux semaines
Pour choisir les ressources humaines

Tu es de nouveau dans le circuit d’études
Et ce non sans quelques inquiétudes
Ce n’est pas parce que le métier est en pénurie
Que les professeurs t’empêcheront les conneries

Des tableaux et des craies
Un sentiment sacré de te faire entuber
Pour un nouveau diplôme t’es en train de te courber
Quelques années de ta vie vont ainsi être dérobées



RATER L’ECOLE EST VIOLENT

Nouveau cartable nouveau matériel
C’est un gros éveil sensoriel
Tu pars de la maison pour rejoindre l’école
Un gros bisou aux parents c’est le protocole

Rater une année peut être violent
Que tu ne suis plus ou que tu es trop lent
L’enseignement est-il vraiment un ascenseur ?
Si oui à quel point faut-il être bosseur ?

Tu as des parents qui n’ont pas fait d’études
Ils ont des angoisses et des inquiétudes
À chaque fois que c’est l’heure des devoirs
Ils ont honte de leur manque de savoir

Tu te débrouilles tout seul comme tu peux
Quand ce qu’on te demande est pompeux
Tu as une bonne excuse de ne pas le faire
Ton sens de l’excellence est à parfaire

C’est le début d’année scolaire et tu déménages
Sans le vouloir c’est un peu le carnage
Le nouveau quartier est plus chic
Ça te change de l’ancien désordre anarchique

Forcément l’école est nouvelle
Elle est remplie de brillantes cervelles
Tu te demandes si tu vas pouvoir t’intégrer
C’est bizarre, il n’y a qu’une seule tête d’immigré

Les élèves sont tous très bien habillés
Il n’y en a pas un qui se permet de crier
Tous en rang et pas un seul qui dépasse
En silence ils montent jusqu’à la classe

A la récré un unique élève vient près de toi
Il te souhaite la bienvenue dans ce bel endroit
Les autres tous entre eux te nient
Sans doute parce que tu as l’air démuni

Pendant les cours tu te rends compte
Que même en faisant attention à ce qui se raconte
Tu ne comprends pas toujours le vocabulaire
La matière abordée ne te semble pas claire

C’est comme si les enseignants
Attendaient un comportement précis
Et même en te plaignant
Personne ne t’explique ce qui te différencie

C’est ton premier mois et tu es déjà en difficulté
Des problèmes qu’aux autres tu ne sais occulter
Tu es le canard boiteux qui retarde l’apprentissage
Hé… tu fais baisser notre moyenne est leur message

C’est comme ça durant toute l’année
Tes parents ne savent pas te dépanner
Tu sens que tu n’as pas le niveau
Et tu crois que c’est un problème de ton cerveau

Tu rates tes examens et tes professeurs
Te disent en douceur que tu manques d’ardeur
Et que pour devenir un peu plus discipliné
Il vaut mieux redoubler une année

Tes connaissances sont-elles sous-développées ?
Ta tête n’est-elle pas assez équipée ?
Tu te reproches de ne pas suivre
Tu te demandes ce qu’il faut faire pour survivre

Tu n’essaies même pas de plaider en ta faveur
Tu n’as pas l’habitude de défendre ton cas
Tes parents ne se posent même pas en sauveurs
Pour eux aller contre l’avis des profs est délicat

L’année scolaire est terminée
Tu sais que tu vas redoubler
Tu ne veux plus rien faire pendant tes vacances
Ne plus te lever de ton lit, c’est la conséquence

Tes parents se demandent ce qui se passe
Mais ils sont comme dans une impasse
Nouvelle ville, n’ayant pas de contacts
Ils te laissent faire et manquent de tact

C’est la rentrée de septembre, tu n’es pas motivé
Ton attention a beaucoup de mal à être captivée
Ta dépression de l’été n’a pas été soignée
Peu à peu ça devient un grave problème de santé

Tu t’ennuies en classe, tu connais toute la matière
Ils sont tous si petits, tu n’en es pas très fier
C’est comme si tu savais déjà toutes les réponses
Comme si tu trichais avec la peur qu’on te dénonce

Le même cartable avec le même matériel
Ne pas devenir plus différent des autres est essentiel
Tu pars de la maison pour rejoindre l’école
Tu ne parles plus à tes parents et ils s’affolent.